Dans la troisième de ses Méditations métaphysiques, Descartes, à partir de la présence, en notre esprit fini et imparfait, de l’idée d’un être Infini et Parfait, soutenait que cet être Infini et Parfait est obligatoirement la cause, en nous, de la présence de cette idée du Parfait. Malebranche a repris cela en disant que « la preuve de l’existence de Dieu la plus belle, la plus relevée, la plus solide…, c’est l’idée que nous avons de l’infini ». Cette remontée argumentée depuis le fini vers l’Infini, Jérémie Bocchi s’y essaie à son tour dans ce dialogue entre un promeneur qui se dit athée et un berger ami des philosophes. Ce sera au lecteur incroyant de dire, une fois qu’il sera parvenu à la fin de ces Dialogues du fini et de l’Infini, si les arguments avancés par Jérémie Bocchi ont entraîné ou non une modification de ses convictions de départ. Avec toujours, en ces sujets, un recours possible à la modération de Kant, ce Protestant qui soutenait que l’esprit humain ne pourra jamais démontrer l’existence ou l’inexistence de Dieu, et qu’il s’agit plutôt, ici, d’avoir la Foi ou de s’y refuser par un acte de volonté.
À un moment de son ouvrage, Jérémie Bocchi évoque « ce cher Spinoza » ; si l’on utilise la célèbre distinction spinoziste entre les genres de connaissance, nous pourrions dire que ces Dialogues du fini et de l’Infini se déroulent au niveau du second genre de connaissance, celui où l’on déduit avec la plus grande rigueur possible, celui où l’on démontre, ou bien l’on s’efforce de démontrer ; mais, au cinquième Livre de L’Éthique, l’enchaînement des démonstrations et des théorèmes de Spinoza conduit le lecteur tenace au troisième genre de connaissance ; il serait très intéressant de lire un jour prochain une sorte de continuation de ces présents Dialogues, mais avec l’un des interlocuteurs qui se placerait à ce niveau, qui est aussi celui où Bergson fait la distinction entre l’intelligence (second genre de connaissance) et l’Intuition (troisième genre de connaissance), le niveau, si l’on veut, où Bergson s’est élevé lorsqu’il écrit La Pensée et le Mouvant, Les deux Sources de la Morale et de la Religion et L’Énergie spirituelle.