Coup de foudre entre un parisien endeuillé et une jolie américaine et la promesse d'une éternité d'amour. Elle regarda cet homme qui correspondait parfaitement avec cette ville de pluie. La tristesse de son regard, son imperméable mastic, son pantalon velours gris acier, tout lui parlait. Jusqu’à ce vieux foulard de laine bordeaux qui lui donnait un air suranné. Le parapluie ouvert afin d’éviter les grosses gouttes que les feuilles des marronniers jetaient au sol, ils marchèrent un long moment sans un mot, puis n’y tenant plus, elle ne put s’empêcher de lui faire une petite remarque.
– J’aime beaucoup votre façon de vous habiller mais pourquoi ce foulard autour de votre cou alors qu’il est visiblement beaucoup trop court ?
Marc bloqua son pas, regarda Eva qu’il trouva particulièrement jolie sous le reflet de son parapluie et murmura en forme de confidence.
– Cette écharpe représente beaucoup à mes yeux. Ma grand-mère s’est envolée alors qu’elle était en train de me la tricoter.
– Oh, pardon ! Je suis plus que désolée ! …De quand date le décès de votre grand-mère?
– Un petit mois ! Demain, je vide son appartement.
– Et c’est douloureux ? Entérina Ava, compréhensive.
– Oh que oui ! Toute une vie effacée… comment se séparer d’un musée d’amour, c’est une souffrance incommensurable.
– Et aucun membre de la famille ne veut reprendre son mobilier…
– Il n’y a plus de famille…
– Plus de famille ?
– Elle a été anéantie à Dachau.
– Pourquoi ? Vous êtes juif ?
– Je suis juif…
– Durand, c’est juif ?
– Je m’appelle Durand… anciennement Duran descendant d’une grande lignée de rabbins espagnols. Seuls mes grands-parents et moi, bébé sommes passés entre les mailles du filet nazi.
– Ils vivaient à Paris ?
– Oui mais leur nom les a sauvés. Durand n’est pas un patronyme juif.
– Et votre père ?
– Il est mort six mois avant ma naissance.
– Vous ne l’avez même pas connu ! Mais …Votre père s’appelait aussi Durand ? Je n’y comprends plus rien.
– Il s’appelait Bloch mais, à ma naissance, mon grand-père qui avait sans doute senti le vent tourner m’a déclaré Marc Durand au lieu de Marc Bloch. Il a eu le nez creux.
DU MÊME AUTEUR :
HUBERT ZAKINE