Je t’aime, ma chérie… Ces simples mots, je les ai attendus toute ma vie, mais jamais ils ne sont venus. Les seules paroles que ma mère était capable de prononcer à mon égard n’étaient que sentences critiques :
– Tu es chétive, tu ne feras jamais rien de bon, tu es inutile.
Ainsi, peu à peu, émergeant du plus profond de mon être, naquit l’ours. Je devins la personne que ma mère avait créée ; bourrue, insociable, muette. Elle avait gagné et pouvait à loisir me détruire. Recluse dans ma tanière, je ne permettais à personne de franchir les portes de mon refuge. Une femme qui a mis au monde un enfant doit lui prodiguer tout son amour. Seule alors, grand-mère réussit à gagner mon affection. Malheureusement, une grand-maman c’est comme une journée ensoleillée, elle vous caresse de ses rayons, vous embaume de son parfum et trop vite vient la nuit qui vous l’enlève à jamais. Et puis un jour, enfin, l’amour arriva, je l’ai saisi à pleines mains et ne l’ai plus lâché. C’est doux d’être aimé et tant pis pour ceux qui ne veulent pas ou ne savent pas aimer.