Page 11 - Extrait de Champ d'artichauts de Sophie Jalabert
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– Tu crois ? Marc est sans doute clair mais Nina je me pose
la question. Je fais tout ce que je peux pour elle. On dirait que
ce n’est jamais assez. Elle boude, elle râle. Sans parler des
sautes d’humeur. Tout à coup, je suis devant un volcan en
pleine éruption. Elle me rabaisse, critique tout. C’est humi-
liant d’être mis plus bas que terre quand on fait du mieux pos-
sible. Elle se referme comme une huître et je ne sais plus com-
ment la prendre. Parfois, elle est injoignable alors qu’elle dit
ne pas avoir bougé de la maison ou du bureau. Et si je fais une
remarque, j’ai droit à une scène. Deux minutes après, elle est
tout sourire comme si rien ne s’était passé. Je n’y comprends
rien. Elle passe du froid au chaud brutalement, je ne sais pas
sur quel pied danser. J’en viens à me demander si elle n’est pas
bipolaire. Tu sais, il faut que je l’aime pour supporter ça…
Rien à voir avec la perception de Marc. Rien à voir avec la
femme à l’humeur égale, foncièrement hédoniste, toujours
enthousiaste, certes fragile, mais tellement radieuse dont il lui
rebattait les oreilles. À moins qu’il ne lui ait menti, par omis-
sion peut-être, qu’il ne mente encore. Manon n’en supporte
pas l’idée. Il aurait dû lui parler, lui expliquer, avoir confiance
en elle. S’il ne l’a pas fait, c’est qu’il y a autre chose. Une
chose qu’elle ne pardonnerait pas. Pourquoi la tenir à l’écart
s’il est innocent, se taire s’il n’y a pas anguille sous roche ? Il
aurait pu avoir un peu plus de cran, le respect minimum pour
elle, pour ce qu’ils ont partagé. Elle l’a tellement entendu ac-
cuser Roland de dissimulation, de manipulation. De plus en
plus ces derniers mois au point qu’à cet instant précis, c’est
clairement suspect : ne reproche-t-on pas aux autres nos
propres travers, n’interprète-t-on pas leurs actes à l’aune de
notre propre comportement ? Marc serait donc le vrai men-
teur. Marc serait faux.
Funambule, elle avance sur le fil tendu entre doutes et cer-
titudes. Marc la trompe. Peut-être pas avec Nina, peut-être pas
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la question. Je fais tout ce que je peux pour elle. On dirait que
ce n’est jamais assez. Elle boude, elle râle. Sans parler des
sautes d’humeur. Tout à coup, je suis devant un volcan en
pleine éruption. Elle me rabaisse, critique tout. C’est humi-
liant d’être mis plus bas que terre quand on fait du mieux pos-
sible. Elle se referme comme une huître et je ne sais plus com-
ment la prendre. Parfois, elle est injoignable alors qu’elle dit
ne pas avoir bougé de la maison ou du bureau. Et si je fais une
remarque, j’ai droit à une scène. Deux minutes après, elle est
tout sourire comme si rien ne s’était passé. Je n’y comprends
rien. Elle passe du froid au chaud brutalement, je ne sais pas
sur quel pied danser. J’en viens à me demander si elle n’est pas
bipolaire. Tu sais, il faut que je l’aime pour supporter ça…
Rien à voir avec la perception de Marc. Rien à voir avec la
femme à l’humeur égale, foncièrement hédoniste, toujours
enthousiaste, certes fragile, mais tellement radieuse dont il lui
rebattait les oreilles. À moins qu’il ne lui ait menti, par omis-
sion peut-être, qu’il ne mente encore. Manon n’en supporte
pas l’idée. Il aurait dû lui parler, lui expliquer, avoir confiance
en elle. S’il ne l’a pas fait, c’est qu’il y a autre chose. Une
chose qu’elle ne pardonnerait pas. Pourquoi la tenir à l’écart
s’il est innocent, se taire s’il n’y a pas anguille sous roche ? Il
aurait pu avoir un peu plus de cran, le respect minimum pour
elle, pour ce qu’ils ont partagé. Elle l’a tellement entendu ac-
cuser Roland de dissimulation, de manipulation. De plus en
plus ces derniers mois au point qu’à cet instant précis, c’est
clairement suspect : ne reproche-t-on pas aux autres nos
propres travers, n’interprète-t-on pas leurs actes à l’aune de
notre propre comportement ? Marc serait donc le vrai men-
teur. Marc serait faux.
Funambule, elle avance sur le fil tendu entre doutes et cer-
titudes. Marc la trompe. Peut-être pas avec Nina, peut-être pas
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