Page 15 - Extrait de Champ d'artichauts de Sophie Jalabert
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tre la crédence. Les fumets se sont dissous, il n’en reste
qu’un vague sillage nostalgique. L’avantage des plats mijotés,
se dit-elle, c’est qu’ils sont meilleurs réchauffés. La cuiller en
bois lavée. Tout semble en ordre. Un dernier regard circulaire
pour vérifier.
À l’extrémité de l’îlot central, posée à même le sol, la mal-
lette de Marc…
L’attaché-case marron la regarde droit dans les yeux. Ce
vieux machin cabossé, passé de mode, qu’elle a tant de fois
essayé de remplacer par plus stylé, moins décati, sans y par-
venir. Que contiennent ses renflements si ronds, ses compar-
timents internes ? Il en a certainement fait un vrai fourre-tout.
Tous ses secrets dont jusque-là elle n’avait rien perçu, l’apos-
trophaient tout à coup. Le cuir usé, fatigué, la défie, l’invite,
l’encourage. Il ne demande qu’à s’offrir, à se laisser pénétrer
par l’œil avide de Manon. Si Marc l’a abandonné lui aussi, ce
doit être un signe, voire une invite à découvrir son monde
souterrain. Et s’il n’a pas jugé bon de changer la combinaison
standard de la petite serrure, c’est sans équivoque pour lui
laisser le champ libre. Le claquement du fermoir libéré…
Manon ouvre…
Quelques dossiers cartonnés de couleurs vives à l’étique-
tage en lettres noires « Voyage Dubois Sarl », « Séminaire As-
sociation ALJ », « Contrat annuel déplacement Murier SA ».
Une boîte de cartes de visite. Un paquet de petits Lu entamé
et un de chewing-gum à la menthe. Des post-it avec quelques
noms, numéros de téléphone, rappels précédés de la mention
« to do asap », une liste de courses qu’il n’avait jamais faites,
vieille d’au moins un mois. Un bloc Rhodia jaune grand for-
mat à petits carreaux. Accrochés aux poches latérales, une
myriade de stylos : des Bic, des feutres, des Stabilo, des
crayons papier. Un véritable inventaire à la Prévert, comme sa
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qu’un vague sillage nostalgique. L’avantage des plats mijotés,
se dit-elle, c’est qu’ils sont meilleurs réchauffés. La cuiller en
bois lavée. Tout semble en ordre. Un dernier regard circulaire
pour vérifier.
À l’extrémité de l’îlot central, posée à même le sol, la mal-
lette de Marc…
L’attaché-case marron la regarde droit dans les yeux. Ce
vieux machin cabossé, passé de mode, qu’elle a tant de fois
essayé de remplacer par plus stylé, moins décati, sans y par-
venir. Que contiennent ses renflements si ronds, ses compar-
timents internes ? Il en a certainement fait un vrai fourre-tout.
Tous ses secrets dont jusque-là elle n’avait rien perçu, l’apos-
trophaient tout à coup. Le cuir usé, fatigué, la défie, l’invite,
l’encourage. Il ne demande qu’à s’offrir, à se laisser pénétrer
par l’œil avide de Manon. Si Marc l’a abandonné lui aussi, ce
doit être un signe, voire une invite à découvrir son monde
souterrain. Et s’il n’a pas jugé bon de changer la combinaison
standard de la petite serrure, c’est sans équivoque pour lui
laisser le champ libre. Le claquement du fermoir libéré…
Manon ouvre…
Quelques dossiers cartonnés de couleurs vives à l’étique-
tage en lettres noires « Voyage Dubois Sarl », « Séminaire As-
sociation ALJ », « Contrat annuel déplacement Murier SA ».
Une boîte de cartes de visite. Un paquet de petits Lu entamé
et un de chewing-gum à la menthe. Des post-it avec quelques
noms, numéros de téléphone, rappels précédés de la mention
« to do asap », une liste de courses qu’il n’avait jamais faites,
vieille d’au moins un mois. Un bloc Rhodia jaune grand for-
mat à petits carreaux. Accrochés aux poches latérales, une
myriade de stylos : des Bic, des feutres, des Stabilo, des
crayons papier. Un véritable inventaire à la Prévert, comme sa
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