Page 13 - Extrait de Juste un grain de sable de Sophie Jalabert
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ser au lave-linge sous l’œil effaré de mon mari qui crai-
gnait une chute du tabouret bancal sur lequel je m’étais ju-
chée. Il dit à ma mère qui tricotait au fond de notre canapé :

— Denise, dites-lui quelque chose, elle vous écoutera plus
que moi.

— C’est à vous que je vais dire quelque chose, mon
gendre. Préparez sa valise, bébé arrive ! Tu te rappelles, Fran-
çois, juste avant les premières contractions, j’avais retapissé
nos fauteuils et déménagé les meubles.

Le lendemain, nous fûmes trois. J’avais mis au monde un
magnifique poupon de trois kilos cinq cents grammes, aux
joues rebondies, qui ressemblait déjà trait pour trait à son
père. Au retour de la clinique, on installa Marie dans le joli
petit lit que sa marraine Noémie lui avait offert. J’étais fati-
guée, mais tellement comblée que je le sentais à peine. Alain
changeait les couches en câlinant sa fille, la couvrant de bai-
sers, passant le plus de temps possible à la maison. Quand elle
eut trois mois, je retournai au bureau. Ma mère ne travaillant
pas, et toute à la joie d’être grand-mère, garda la petite. Un
peu plus tard, les éclats de ce rire de bébé, magiques et conta-
gieux, remplirent l’espace de sa radieuse lumière. Marie dit
ses premiers mots, fit ses premiers pas. Elle trottinait allègre-
ment et babillait sans interruption quand Alain prit la direc-
tion commerciale du groupe. Il voyagea plus souvent, plus
loin. À son retour, notre fille se jetait dans ses bras pour ne
les quitter qu’à son prochain départ. Elle grandit tranquille-
ment.

Elle allait fêter ses quatre ans quand je réalisai que j’étais
à nouveau enceinte. Service minimum, revalorisation sala-
riale, réforme des retraites… L’ère Sarkozy s’inscrivait de
plus en plus sous le signe de la confrontation. Une confronta-
tion dure, radicale, qui allait marquer un changement profond
des rapports entre gouvernants et gouvernés. Premier jour

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