Page 18 - Extrait de Juste un grain de sable de Sophie Jalabert
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Durant cette attente de son prochain retour, une fin d’après-
midi, en descendant de l’autobus, je longeai l’esplanade de la
place du Trocadéro qui savourait le calme entre les échauffou-
rées sabbatiques. Un grand black, jeune, sourire éclatant et
bagou tonitruant, me tendit le porte-clefs.
— Tiens, madame, c’est pour toi.
Il me le mit quasiment de force dans la main malgré mes
protestations. J’étais d’excellente humeur. Je venais de signer
un gros contrat, un projet au Vésinet pour un homme charmant
qui mettait à ma disposition un budget plus que confortable et
me donnait carte blanche. Je commençai à plaisanter avec le
jeune vendeur à la sauvette. Il usa de tous les stratagèmes habi-
tuels pour me faire acheter l’horrible breloque argentée. Exilé,
sans-papiers, ne pouvant compter que sur la générosité d’une
jolie femme comme moi… Bien qu’il me fît rire, je tins bon et
l’objet valsa de ma main aux siennes, des siennes à la mienne.
Le ciel brillait des premières pâleurs du coucher, les passants
couraient, les terrasses des brasseries ne désemplissaient pas.
Le touriste était rare, pas la saison, trop froid, qui plus est dis-
suadé par la succession de mouvements sociaux, les risques ter-
roristes, les tensions internationales, les crises économiques ou
politiques… Soudain, une vague humaine, vol de moineaux
dispersé par la maréchaussée dans l’exercice de ses fonctions :
contrôle de papiers, lutte contre la contrefaçon, que sais-je !
Mon interlocuteur avait ramassé le tapis de fortune, s’était éva-
noui aussi efficacement que le soleil du soir derrière les im-
meubles. Je glissai machinalement le souvenir pour touriste
chinois dans le fond de ma poche, poursuivis ma route et l’at-
tente fébrile du retour de mon amie.
Enfin, le dernier jour, le dernier soir, la dernière nuit
avant...
… le dernier matin. Au réveil, Alain à mes côtés, encore
endormi. Il était là. Moi pas, ou à moitié. Je m’éloignais, tout
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midi, en descendant de l’autobus, je longeai l’esplanade de la
place du Trocadéro qui savourait le calme entre les échauffou-
rées sabbatiques. Un grand black, jeune, sourire éclatant et
bagou tonitruant, me tendit le porte-clefs.
— Tiens, madame, c’est pour toi.
Il me le mit quasiment de force dans la main malgré mes
protestations. J’étais d’excellente humeur. Je venais de signer
un gros contrat, un projet au Vésinet pour un homme charmant
qui mettait à ma disposition un budget plus que confortable et
me donnait carte blanche. Je commençai à plaisanter avec le
jeune vendeur à la sauvette. Il usa de tous les stratagèmes habi-
tuels pour me faire acheter l’horrible breloque argentée. Exilé,
sans-papiers, ne pouvant compter que sur la générosité d’une
jolie femme comme moi… Bien qu’il me fît rire, je tins bon et
l’objet valsa de ma main aux siennes, des siennes à la mienne.
Le ciel brillait des premières pâleurs du coucher, les passants
couraient, les terrasses des brasseries ne désemplissaient pas.
Le touriste était rare, pas la saison, trop froid, qui plus est dis-
suadé par la succession de mouvements sociaux, les risques ter-
roristes, les tensions internationales, les crises économiques ou
politiques… Soudain, une vague humaine, vol de moineaux
dispersé par la maréchaussée dans l’exercice de ses fonctions :
contrôle de papiers, lutte contre la contrefaçon, que sais-je !
Mon interlocuteur avait ramassé le tapis de fortune, s’était éva-
noui aussi efficacement que le soleil du soir derrière les im-
meubles. Je glissai machinalement le souvenir pour touriste
chinois dans le fond de ma poche, poursuivis ma route et l’at-
tente fébrile du retour de mon amie.
Enfin, le dernier jour, le dernier soir, la dernière nuit
avant...
… le dernier matin. Au réveil, Alain à mes côtés, encore
endormi. Il était là. Moi pas, ou à moitié. Je m’éloignais, tout
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