Page 8 - Extrait de black out de Boris Sciutto
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–, mais je vois enfin arriver une personne qui me déclare
être le médecin de permanence, car on est dimanche, me dit-
il, et mon médecin attitré a aussi droit à ses repos. Je demande
à l’ersatz de toubib de me dire pourquoi mes jambes sont au-
tant endolories et surtout, pourquoi ma main gauche est tou-
jours enveloppée comme un vase enroulé de papier bulle prêt
à partir par colis postal. Recoiffant la mèche qui lui plaquait
l’avant du crâne pour cacher une calvitie précoce, il entamait
tout un palabre sur les aléas de la vie, les progrès de la méde-
cine, l’espoir… blablabla. Je l’ai alors interrompu :

— Arrêtez de me jouer de la flûte Doc’, donnez-moi une
réponse courte, simple et directe !

Dans une moiteur ambiante, il me balance :
— Nous ignorons ce que vous avez fait avant d’arriver
chez nous, mais vous avez été battu. Vos jambes ont reçu
d’énormes coups de bâton ou barres de fer, votre gilet pare-
balles a amorti pas mal de chocs, mais, plus important encore,
votre main gauche a reçu un gros coup, de marteau je dirais,
et trois de vos doigts ont été sectionnés, au sécateur, je pense.
Quand on vous a trouvé devant l’hôpital, vous rampiez, et
votre bras gauche était enroulé dans un torchon, totalement
imbibé de sang. Nous nous sommes aperçus qu’il vous man-
quait trois doigts, l’index, le majeur et l’auriculaire. Nous
avons agi au plus vite. Nous n’en avons retrouvé aucun, mais
nous avons pu sauver le reste de votre main. Vous êtes égale-
ment dans l’incapacité de marcher, mais ça ne durera pas, vos
contusions semblent disparaître. Nous sommes sincèrement
désolés.
J’étais définitivement seul avec moi-même. Étais-je res-
ponsable, coupable, victime ? Les premiers éléments que l’on
me donnait étaient vraiment de mauvais augure.

Les jours passent. La télévision dans ma chambre, encore
et toujours allumée sur une chaîne d’infos en continu, me per-

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