Page 6 - Extrait de black out de Boris Sciutto
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Cet effort, incommensurable de ma part, semble ravir l’as-
semblée qui me gratifie d’éloges partiellement perceptibles.
Je comprends que je progressais, reste à savoir d’où j’arrivais.

Les jours suivants, l’ensemble du service hospitalier a pro-
cédé à toutes les vérifications utiles et nécessaires, selon eux
bien évidemment, passant par la rééducation orthophonique,
vocale, la mécanisation de mes membres supérieurs et infé-
rieurs, tests d’écriture, ainsi que tous les exercices de logique
et d’analyse. La jolie femme a disparu, l’a-t-on volontaire-
ment éloignée de moi ? La reverrai-je un jour ? J’aimerais tel-
lement…

Lors d’une des visites matinales, j’ai quand même de-
mandé au médecin où, pourquoi et comment je me suis re-
trouvé ici ; j’ai eu pour réponse, hormis un frottage de barbe
inquisiteur de la part de l’homme de science, en ouvrant
mon dossier : « Vous êtes à l’Hôpital Saint Louis, dans le
10ème arrondissement de Paris, je suis le Docteur CE-
ZANNO. Vous êtes arrivé le jeudi 1er octobre à 04 h 26
exactement, un interne vous a trouvé allongé au sol, à 100
mètres environ de l’entrée des Urgences, rampant, la che-
mise maculée de sang, porteur d’un gilet pare-balles, le vi-
sage marqué par de nombreux coups, un chiffon ensanglanté
autour de la main gauche, et vous vous êtes évanoui
quelques instants plus tard, sans donner la moindre explica-
tion. Maintenant, veuillez m’excuser, mais je ne peux vous
en dire plus pour le moment, je dois continuer ma tournée.
Bon courage, Monsieur Audibert.

Pourquoi ne pas pouvoir m’en dire plus ? Faut absolument
que je sache dans quelle merde je me suis fourré.

Je suis toujours alité. Les jours passent, on me pose un tas
de questions me concernant, je n’ai aucune réponse à leur
donner. Quelle tristesse ! Je vois enfin la beauté céleste reve-
nir à mon chevet, avec ses deux enfants. Elle me sourit, me

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