Page 10 - Extrait de black out de Boris Sciutto
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ts plus tard, le chassé-croisé Sylvie-Christine laisse une
présence permanente à mes côtés, ce qui n’est pas pour me
déplaire. Christine s’assied à mon chevet, me prend la main,
une fois encore. Je ne connais plus cette personne, mais le
contact de nos peaux ne m’est nullement étranger, même s’il
ne ravive en moi aucune image, aucun sentiment de déjà-vu.

Elle me parle, me raconte notre vie d’avant – mais d’avant
quoi, là est le problème. Elle constate que je l’écoute, que je
fais des efforts pour associer ses paroles à un passé commun
qui restera dans une amnésie abyssale. Elle est déçue, je le
vois, je le sens. Les petits Paul et Antoine lui demandent sans
cesse quand est-ce que leur papa va rentrer, et moi-même de
me le demander… « Quand est-ce que je vais rentrer… et où ?

— Christine, qu’est-ce que je fais là ? Qu’est-ce que j’ai
fait cette nuit-là ?

— Pascal, de quoi te souviens-tu ? Quelles sont tes der-
nières images ?

— Ma mémoire est vide, je ne sais pas qui je suis, qui vous
êtes, ce que je fais dans la vie, où j’habite, mon disque dur est
totalement formaté.

— Je vais aller à l’essentiel alors : tu t’appelles Pascal
Audibert, tu es né le 16 septembre 1977, tu as 38 ans, tu es
Brigadier de Police dans le 19ème arrondissement, nous habi-
tons 23 rue de la Roquette 75011 Paris, dans un appartement
que tu n’aimes pas, car tu aimerais fuir la ville pour acheter
un pavillon en banlieue, à mon grand désarroi.

Parpaing après parpaing, la reconstruction de ma vie va
prendre un certain temps, mais j’ai maintenant les fondations.

— C’est beaucoup d’information d’un seul coup, mais je
vais essayer de m’y faire. Maintenant, dis-moi ce que je t’ai
dit avant de partir, cette fameuse nuit du 1er octobre, s’il te
plaît !

Christine se tordait les doigts dans tous les sens, regardait
l’intérieur de ses paumes, elle m’a soudain regardé et :

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