Page 10 - Extrait de Notes de coeur de Sophie Jalabert
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Autant que les vers de Sully Prudhomme qui lui trottaient
dans la tête depuis trente ans :
« Si vous saviez comme je vous aime
Surtout si vous saviez comment
Vous entreriez peut-être même
Tout simplement »
Et c’est tout simplement qu’il est entré il y a peu. Bien sûr
au début les vieilles habitudes reprennent vite le dessus. À
peine, s’éloignant, sa voiture tourne-t-elle à l’angle du por-
tail, elle allume une cigarette. Va-t-il revenir ou comme avant,
comme toujours, va-t-il disparaître sans prévenir ? Attendre
fébrilement. Est-elle en train de remplacer une addiction par
une autre ? Qu’importe, la saveur de celle-là, c’est du miel
chaud, de la poésie pure, le son d’une harpe, l’ambre et le
musc, elle est suave, savoureuse, précieuse et par-dessus tout
joyeuse !
Avec lui elle peut, avec lui c’est doux.
Avec lui tout sent bon, la vie entière embaume.
Avec ses cyprès de chaque côté, la maison se dresse impo-
sante et puissante dans la pénombre. Sa maison, plantée au
milieu du thym, du romarin, de la lavande ; bordée de res-
tanques centenaires, elle l’avait habillée de couleurs vives,
fleurie de roses et de lys, parfumée de cuisine mijotée, de
linge propre… avant, avant la cassure, un avant si proche et si
lointain. Restaient les couleurs chaudes, l’épaisseur protec-
trice des murs, l’odorante garrigue, la majesté des cyprès.
Cette fois le ciel blanchit franchement. Le froid devient plus
mordant, plus sec. Une belle journée d’hiver, de celles qui se
font par trop rares. Cela fait plusieurs années que l’hiver est
étrangement doux, pluvieux, grisailleux. Le coq a émergé
tout à l’heure, il s’en donne à cœur joie, ça résonne dans tout
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dans la tête depuis trente ans :
« Si vous saviez comme je vous aime
Surtout si vous saviez comment
Vous entreriez peut-être même
Tout simplement »
Et c’est tout simplement qu’il est entré il y a peu. Bien sûr
au début les vieilles habitudes reprennent vite le dessus. À
peine, s’éloignant, sa voiture tourne-t-elle à l’angle du por-
tail, elle allume une cigarette. Va-t-il revenir ou comme avant,
comme toujours, va-t-il disparaître sans prévenir ? Attendre
fébrilement. Est-elle en train de remplacer une addiction par
une autre ? Qu’importe, la saveur de celle-là, c’est du miel
chaud, de la poésie pure, le son d’une harpe, l’ambre et le
musc, elle est suave, savoureuse, précieuse et par-dessus tout
joyeuse !
Avec lui elle peut, avec lui c’est doux.
Avec lui tout sent bon, la vie entière embaume.
Avec ses cyprès de chaque côté, la maison se dresse impo-
sante et puissante dans la pénombre. Sa maison, plantée au
milieu du thym, du romarin, de la lavande ; bordée de res-
tanques centenaires, elle l’avait habillée de couleurs vives,
fleurie de roses et de lys, parfumée de cuisine mijotée, de
linge propre… avant, avant la cassure, un avant si proche et si
lointain. Restaient les couleurs chaudes, l’épaisseur protec-
trice des murs, l’odorante garrigue, la majesté des cyprès.
Cette fois le ciel blanchit franchement. Le froid devient plus
mordant, plus sec. Une belle journée d’hiver, de celles qui se
font par trop rares. Cela fait plusieurs années que l’hiver est
étrangement doux, pluvieux, grisailleux. Le coq a émergé
tout à l’heure, il s’en donne à cœur joie, ça résonne dans tout
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