Page 6 - Extrait de Notes de coeur de Sophie Jalabert
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tence créant de ses reflets une lueur d’opaline irradiant les
couches grises et noires. Cela fait une dentelle complexe et
intense où Hermeline noie la fumée de sa première cigarette.
Attendre le lever du jour sous le regard impassible de la
lune…
« Parmi les étoiles en fête
Sur la nature satisfaite
Se lève une lune parfaite »
La musique de Claudel… Réminiscences soudaines… Elle
a passé son existence penchée vers l’après, en déséquilibre
vers tout à l’heure, demain, quand elle sera grande, l’an pro-
chain. Que les choses aient fini par arriver, elle ne l’a pas vu.
Une attente en chassant une autre.
Autour d’elle, ses proches, ses amis la pressent d’arrêter
de fumer. À présent, fumer n’est plus un signe ostentatoire de
liberté mais un présage funeste : maladie, mort. Hermeline ne
veut pas en entendre parler, pas pour elle ! Comment peut-elle
l’expliquer à ceux qui, pétris de bonnes intentions, au nom
d’un amour bienveillant, investis d’une mission de salubrité
publique devenue très privée, lui démontrent les bienfaits
d’un monde sans tabac ! Il n’y a plus qu’elle qui fume. Un à
un, ils ont écrasé la dernière quitte à en passer par le manque
et le surpoids ! Elle, elle préfère inclure à son interminable
liste d’attentes et celle, anxieuse et fébrile, des signes annon-
ciateurs du crabe hideux, et celle, utopique et vaine, de la dis-
parition spontanée de l’envie de fumer !
Elle a toujours fini par en rallumer une. Pourquoi ? Sim-
plement parce qu’à chaque arrêt répond un autre arrêt dou-
loureux, définitif ! Autant de couperets intolérables, insup-
portables où se confondent suite et fin.
À commencer par sa naissance. Quitter les rougeurs tami-
sées du ventre maternel, le flux continu de nicotine de ce nid
chaud et tranquille où tous les besoins sont comblés ; une pai-
sible caverne, paradis d’amour où elle avait grossi, nourrie
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couches grises et noires. Cela fait une dentelle complexe et
intense où Hermeline noie la fumée de sa première cigarette.
Attendre le lever du jour sous le regard impassible de la
lune…
« Parmi les étoiles en fête
Sur la nature satisfaite
Se lève une lune parfaite »
La musique de Claudel… Réminiscences soudaines… Elle
a passé son existence penchée vers l’après, en déséquilibre
vers tout à l’heure, demain, quand elle sera grande, l’an pro-
chain. Que les choses aient fini par arriver, elle ne l’a pas vu.
Une attente en chassant une autre.
Autour d’elle, ses proches, ses amis la pressent d’arrêter
de fumer. À présent, fumer n’est plus un signe ostentatoire de
liberté mais un présage funeste : maladie, mort. Hermeline ne
veut pas en entendre parler, pas pour elle ! Comment peut-elle
l’expliquer à ceux qui, pétris de bonnes intentions, au nom
d’un amour bienveillant, investis d’une mission de salubrité
publique devenue très privée, lui démontrent les bienfaits
d’un monde sans tabac ! Il n’y a plus qu’elle qui fume. Un à
un, ils ont écrasé la dernière quitte à en passer par le manque
et le surpoids ! Elle, elle préfère inclure à son interminable
liste d’attentes et celle, anxieuse et fébrile, des signes annon-
ciateurs du crabe hideux, et celle, utopique et vaine, de la dis-
parition spontanée de l’envie de fumer !
Elle a toujours fini par en rallumer une. Pourquoi ? Sim-
plement parce qu’à chaque arrêt répond un autre arrêt dou-
loureux, définitif ! Autant de couperets intolérables, insup-
portables où se confondent suite et fin.
À commencer par sa naissance. Quitter les rougeurs tami-
sées du ventre maternel, le flux continu de nicotine de ce nid
chaud et tranquille où tous les besoins sont comblés ; une pai-
sible caverne, paradis d’amour où elle avait grossi, nourrie
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