Page 5 - Extrait de Juste un grain de sable de Sophie Jalabert
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révisible. Fléau aveugle abattu sur elle, écho à tous les
fléaux aveugles… y compris celui qui…
Cauchemar lancinant d’un passé trop présent. Violence de
masse, violence individuelle. Derrière chaque porte cochère,
sous les racines des arbres souvent enserrées sous des grilles,
horde aux aguets campée alentour, loups furieux prêts à en
découdre… Elle est là, menace latente ou cohorte rugissante
et ravageuse. Elle ne laissera derrière elle que la peur brute,
la salissure, la déchirure. Les cadavres de la Commune hur-
lent sans fin, sous son bitume, sous son Sacré-Cœur, dans
l’indifférence générale de ceux qui ont oublié. Ceux de Cha-
ronne et tous les autres, anonymes ou célèbres, hurlent aussi,
oubliés eux aussi.
Crânement, Paris gesticule, Paris se maquille, Paris se tra-
vestit en beau, en éternel. Paris nie et dénie les traces noires,
la crasse, les mines enterrées de la colère, des désespérances,
sa déchéance invisible, ses enfants broyés par la vie, ses lais-
sés-pour-compte couchés sur les bouches d’aération de son
métro anthropophage, ses alignements lamentables de tentes
d’infortune en bord de périphérique, ses calvaires silencieux,
ses ombres aux combats d’avance perdus. Paris l’arrogante
ignore la chute, répercussion de toutes les chutes… y compris
celle qui…
Pourtant, il n’y a pas si longtemps, chaque pierre me ravis-
sait. Déambuler sans autre but que d’errer, zigzaguer dans la
foule à la fois compacte et émiettée comblait mon besoin de
bouger, celui de me sentir appartenir. J’étais chez moi, au mi-
lieu de ces gens qui couraient plus qu’ils ne marchaient, qui
gesticulaient plus qu’ils ne bougeaient, au milieu des tra-
vailleurs pressés, des touristes émerveillés, du bruit, des va-
peurs d’essence. L’âme réjouie, je me faufilais, je gambadais,
je vivais. Ni les grèves des transports publics, ni les manifes-
tations qui dégénéraient, ne parvenaient à entamer en profon-
deur mon enthousiasme, mon amour. Gilets jaunes ou oppo-
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fléaux aveugles… y compris celui qui…
Cauchemar lancinant d’un passé trop présent. Violence de
masse, violence individuelle. Derrière chaque porte cochère,
sous les racines des arbres souvent enserrées sous des grilles,
horde aux aguets campée alentour, loups furieux prêts à en
découdre… Elle est là, menace latente ou cohorte rugissante
et ravageuse. Elle ne laissera derrière elle que la peur brute,
la salissure, la déchirure. Les cadavres de la Commune hur-
lent sans fin, sous son bitume, sous son Sacré-Cœur, dans
l’indifférence générale de ceux qui ont oublié. Ceux de Cha-
ronne et tous les autres, anonymes ou célèbres, hurlent aussi,
oubliés eux aussi.
Crânement, Paris gesticule, Paris se maquille, Paris se tra-
vestit en beau, en éternel. Paris nie et dénie les traces noires,
la crasse, les mines enterrées de la colère, des désespérances,
sa déchéance invisible, ses enfants broyés par la vie, ses lais-
sés-pour-compte couchés sur les bouches d’aération de son
métro anthropophage, ses alignements lamentables de tentes
d’infortune en bord de périphérique, ses calvaires silencieux,
ses ombres aux combats d’avance perdus. Paris l’arrogante
ignore la chute, répercussion de toutes les chutes… y compris
celle qui…
Pourtant, il n’y a pas si longtemps, chaque pierre me ravis-
sait. Déambuler sans autre but que d’errer, zigzaguer dans la
foule à la fois compacte et émiettée comblait mon besoin de
bouger, celui de me sentir appartenir. J’étais chez moi, au mi-
lieu de ces gens qui couraient plus qu’ils ne marchaient, qui
gesticulaient plus qu’ils ne bougeaient, au milieu des tra-
vailleurs pressés, des touristes émerveillés, du bruit, des va-
peurs d’essence. L’âme réjouie, je me faufilais, je gambadais,
je vivais. Ni les grèves des transports publics, ni les manifes-
tations qui dégénéraient, ne parvenaient à entamer en profon-
deur mon enthousiasme, mon amour. Gilets jaunes ou oppo-
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