Page 4 - Extrait de Juste un grain de sable de Sophie Jalabert
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Paris change ! mais rien dans ma mélancolie
N’a bougé ! palais neufs, échafaudages, blocs,
Vieux faubourgs, tout pour moi devient allégorie,
Et mes chers souvenirs sont plus lourds que des rocs. »

Vous regardez mon porte-clefs ? Cela m’étonne moi-
même d’être parvenue à garder cette babiole clinquante,
kitch, affreuse. C’est tout ce qui me reste du passé. Le comble
du mauvais goût cette tour Eiffel en toc qui se balance au bout
de sa chaînette presque rouillée, n’est-ce pas ? Aucun
charme, aucun chic. Malgré tout, elle arrive à me faire sou-
rire…

Certainement pas à cause de Paris…
Aujourd’hui, la ville me sort par les yeux. Elle a beau être
la plus belle du monde, je ne supporte plus son étalage de per-
fection architecturale... Ses avenues aux façades majes-
tueuses, ses musées, ses églises, sa pompe républicaine qui
fut royale, impériale. Quant à la Seine et ses méandres bien
ronds, trompeurs, ces quais prétendument alanguis… fausse
paix ! Violence tapie, terrée, qui n’attend que l’étincelle pour
surgir. Devant le fleuve, indifférent, imperturbable, Notre-
Dame noircie, éventrée, scalpée de sa flèche, déchiquetée par
les flammes, dont les plaies béantes scandent la destruction

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