Page 10 - Extrait de noël au balcon de Boris Sciutto
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trouve juste à gauche de la porte d’entrée, mais, une fois
encore, il n’y déposera pas son empreinte pour éclairer son
taudis de trente-quatre mètres carrés, aussi sombre et terne
que sa vie.
Seule la lueur du frigo qu’il ouvre pour se servir une bière
diffuse une certaine clarté, permettant de distinguer dans le
salon un canapé qu’il utilise comme lit de ses insomnies, une
télé à écran plat posée sur un buffet archaïque, une table
ronde et quatre chaises. Le reste de son appartement dessert
une salle d’eau qui, malgré l’hygiène irréprochable qu’il s’ef-
force de lui octroyer, ressemble plus à un insalubre squat de
Saint Denis qu’à un palace place Vendôme. La seule
chambre, qu’il garde pour Judith, est fermée depuis des an-
nées. Le papier-peint rose qu’il s’est emmerdé à poser propre-
ment, le lit avec sa parure aux motifs fleuris qu’il lave chaque
semaine, les poupées bien alignées autour de l’oreiller, rien
n’a changé depuis huit ans, dans cette chambre froide qui ne
parvient à capter aucune chaleur humaine. Il lui arrive encore
de s’enfermer dans cette chambre, seule pièce dans sa vie qui
n’a pas sombré avec lui, et dont chaque rai de lumière natu-
relle qui filtre sous la porte reste le seul espoir de lendemains
meilleurs. Les autres volets de l’appartement restent perpé-
tuellement fermés, une lampe de chevet sur un guéridon à
côté du canapé daigne parfois flamboyer.
Certains se demandent – et c’est une question qui revient
souvent –, pourquoi avoir choisi ce quartier déplorable alors
que sa situation professionnelle lui permettait d’avoir bien
plus spacieux, plus sain, bien mieux. Sa réponse, sous une
forme d’ironie – ou de sarcasme selon les avis – était son
unique prétexte pour masquer la réalité : « C’est proche de
mon boulot et ça me permet de ne pas oublier la réalité de la
vie ». Tacitement cela impliquait un quartier nauséabond qui,
de jour comme de nuit, dégageait les relents de tout ce que
l’homme peut exsuder de pire : le vice, le vol, le cul, la
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encore, il n’y déposera pas son empreinte pour éclairer son
taudis de trente-quatre mètres carrés, aussi sombre et terne
que sa vie.
Seule la lueur du frigo qu’il ouvre pour se servir une bière
diffuse une certaine clarté, permettant de distinguer dans le
salon un canapé qu’il utilise comme lit de ses insomnies, une
télé à écran plat posée sur un buffet archaïque, une table
ronde et quatre chaises. Le reste de son appartement dessert
une salle d’eau qui, malgré l’hygiène irréprochable qu’il s’ef-
force de lui octroyer, ressemble plus à un insalubre squat de
Saint Denis qu’à un palace place Vendôme. La seule
chambre, qu’il garde pour Judith, est fermée depuis des an-
nées. Le papier-peint rose qu’il s’est emmerdé à poser propre-
ment, le lit avec sa parure aux motifs fleuris qu’il lave chaque
semaine, les poupées bien alignées autour de l’oreiller, rien
n’a changé depuis huit ans, dans cette chambre froide qui ne
parvient à capter aucune chaleur humaine. Il lui arrive encore
de s’enfermer dans cette chambre, seule pièce dans sa vie qui
n’a pas sombré avec lui, et dont chaque rai de lumière natu-
relle qui filtre sous la porte reste le seul espoir de lendemains
meilleurs. Les autres volets de l’appartement restent perpé-
tuellement fermés, une lampe de chevet sur un guéridon à
côté du canapé daigne parfois flamboyer.
Certains se demandent – et c’est une question qui revient
souvent –, pourquoi avoir choisi ce quartier déplorable alors
que sa situation professionnelle lui permettait d’avoir bien
plus spacieux, plus sain, bien mieux. Sa réponse, sous une
forme d’ironie – ou de sarcasme selon les avis – était son
unique prétexte pour masquer la réalité : « C’est proche de
mon boulot et ça me permet de ne pas oublier la réalité de la
vie ». Tacitement cela impliquait un quartier nauséabond qui,
de jour comme de nuit, dégageait les relents de tout ce que
l’homme peut exsuder de pire : le vice, le vol, le cul, la
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